Vêtement de travail créé en France au XIXe siècle pour les charpentiers, tenue des mineurs et des ouvriers du bâtiment aux États-Unis jusque dans les années 30 et 40, la salopette a su séduire après-guerre le monde de la mode. Chaque génération a sa façon à elle de la porter : façon rockabilly dans les années 50 ; hippie chic dans les années 70, rebelle glamour dans les années 90. Aujourd'hui, elle revient en force et mélange toutes ces influences : on la portera à la ville ou pour le soir, longue ou courte, large ou moulante, féminine ou façon boyfriend.

Parfaitement conçue, la salopette a traversé le temps, car le confort de sa matière et l'ergonomie de sa coupe ont convaincu. C'est Louis Lafont qui en donne une première version en créant à Lyon, en 1844, un pantalon de charpentier à taille haute où ranger son mètre. En 1896, il fait breveter un nouveau modèle agrémenté d'un tablier décliné en plastron à poches et tenu par des bretelles réglables.

En Amérique, Levi Strauss commercialise à la même période ses pantalons de travail en toile de Gênes qui deviendront les jeans et le fameux waist overall ou « salopette à la ceinture ». Elle sera portée par le monde ouvrier et par les fermiers, et popularisée dans les années 30 par les héros de Steinbeck : qui n'a pas en mémoire l'inoubliable silhouette d'Henry Fonda jouant Tom Joad dans Les Raisins de la colère de John Ford d'après le roman éponyme ?

Le monde du rock et du rockabilly l'adopte dès le début des années 50 : les femmes s'en emparent et la porte large et roulottée aux jambes sur un tee-shirt moulant, une chemise blanche, une chemise à carreaux nouée à la taille. On se souvient aussi des premières photos de Marilyn Monroe de 1947. Elle n'est alors qu'une pin-up et pose en salopette courte et blanche et en pull rouge : très échancré, le tablier de la salopette rehausse et met en valeur ses seins. Le retournement est donc complet : de tenue de travail masculine qu'elle était à l'origine, la salopette est devenue un vêtement féminin et sexy.

Dans les années 70, la salopette est, comme le jean, un vêtement phare du vestiaire hippie, parce qu'elle renvoie à la culture populaire et au monde ouvrier et parce qu'elle symbolise une décontraction nouvelle qui transcende les codes : très ajustée en haut, elle s'évase par le bas et se porte, là encore, sur des tee-shirts moulants qui mettent en valeur les formes féminines.

Dans les années 90, c'est Béatrice Dalle, nouvelle Marilyn, qui, dans 37°2 le matin, marquera durablement les esprits avec la salopette maculée de taches de peinture qu'elle semble porter à même la peau. Aujourd'hui, la salopette se souvient de ces multiples influences et selon ses formes et ses matières, joue du style masculin ou met en avant une féminité très marquée. Large et roulottée, elle se porte avec des Converse et avec le plastron dénoué sur un tee-shirt moulant : c'est ainsi que la porte Rihanna et les représentantes du monde du hip-hop.

De style boy-friend, elle montre des empiècements contrastants, des patchs, des effets d'usure et des déchirures. Longue et ajustée, elle devient tenue casual chic, portée sur un petit pull en maille précieuse ou sur une marinière près du corps et féminisée par de sandales à talon haut : on la réchauffera d'une veste en cuir ou d'un long pardessus en lin ou en laine, selon la saison.

Celles qui l'aiment un peu plus large peuvent néanmoins lui donner une nouvelle sophistication en la portant sur un top court qui laissera voir un fragment de peau. Si la salopette nouvelle manière se décline principalement en denim, elle affiche aussi d'autres matières : du coton à imprimé graphique ou du cuir noir qui sortira le soir avec de vertigineux talons aiguilles. Quant à la salopette courte, elle jouera des différences de volume en s'alliant à un haut très ample.

Du chantier au podium, la salopette traverse les siècles. Un mot la définit et la résume : inusable !